[ Pobierz całość w formacie PDF ]
.Une, dix, vingt pages : vingt, cinquante, cent cinquante années, traduisait Selva.Comme un calendrier, avait soudain pensé Lisbeï.Les pages continuaient à tourner : les travaux de réfection de la cour centrale, les auvents qui s’édifient peu à peu au pied de chaque Tour, la prolifération des escaliers extérieurs… Béthély désormais se ressemblait.C’était trois cent soixante-dix-huit années auparavant, au temps d’Alicia, la première Capte de Béthély.Selva aurait très bien pu commencer l’éducation de Lisbeï autrement ou par un autre livre d’histoire.Mais elle savait ce qu’elle faisait.Sa mère l’avait fait avant elle.L’Histoire, s’était dit Lisbeï ce soir-là en se racontant sa journée, c’était comme des histoires ; et, comme les histoires, mais d’une façon différente, c’était vrai.Comme la Parole d’Elli expliquait pourquoi le monde existait, pourquoi il y avait quelque chose et non rien, l’Histoire expliquait pourquoi maintenant existait, comment hier était devenu maintenant.Jusque-là, Lisbeï avait cru plus ou moins confusément que son origine et celle de Tula tenaient toutes dans le ventre où elles avaient poussé.Elle se disait bien que ces ventres, ces mères, avaient dû pousser dans d’autres mères, d’autres ventres, et ainsi de suite en remontant jusqu’à Elli.Elle pensait que seules les personnes avaient ainsi une origine.Mais voilà que les lieux et les choses en avaient une aussi, inextricablement liée à celle des personnes.C’était aussi cela, l’Histoire, comme un énorme ventre invisible doublant celui d’Elli.Ou plutôt, à l’intérieur du Premier Ventre, qui était celui d’Elli.La Parole et l’Histoire se complétaient, la seconde venant prendre à point nommé le relais dans la chaîne entre le maillon de la première femme créée par Elli et cette jeune Rouge distante et sévère, mais puissante, qui était la mère de Lisbeï et de Tula, et la Mère de Béthély.Car c’était Selva qui ouvrait le Livre, l’Histoire, pour Lisbeï.C’était Selva qui donnait Béthély à Lisbeï (et bientôt, de proche en proche, tout le Pays des Mères).Et n’était-ce pas Selva, somme toute, qui avait créé Tula pour Lisbeï, qui lui avait donné Tula ? C’était comme si le mouvement déclenché par l’apparition de Tula, tous ces glissements, ces croisements, ces emboîtements avaient dû aboutir là, dans la petite salle aux boiseries sombres et luisantes où Lisbeï, la future Mère de Béthély, n’avait plus qu’à prendre sa place dans un ordre des choses qui la dépassait mais qui l’avait attendue depuis toujours.Toutes (en commençant par Selva) semblent si tranquilles dans leur certitude que les choses sont bien ce qu’elles doivent être.Comment Lisbeï pourrait-elle résister, sans Tula, à la pression invisible et constante de toutes ces présences qui sont Béthély, la Famille, le monde ? C’est tellement rassurant, aussi, de savoir qui on est, ce qu’on doit faire, où on va.Lisbeï se déplace maintenant dans la Tour avec une assurance nouvelle, une sorte d’affection diffuse pour tout ce qu’elle voit.Quelquefois, quand elle est seule, elle laisse traîner sa main sur les lambris des murs dans les couloirs, elle examine le dessin des mosaïques, elle palpe et renifle les belles tentures.Un jour elle sera la Mère, un jour elle sera Béthély.Les corridors, les salles, le grand escalier, les petits escaliers à surprise, tout cela forme comme un seul grand corps qui doublerait le sien, un corps vivant, animé par un souffle régulier : la première vague des travailleuses de l’aube, à six heures du matin, et la dernière, à neuf heures, les va-et-vient des trois services de chaque repas, le départ des travailleuses de l’après-midi et les courants contraires de la fin de journée, quand les dernières équipes de l’après-midi croisent celles de la soirée.Et enfin, vers dix heures, les dernières voix dans les couloirs, quand le grand corps de Béthély prend ses aises avant de s’endormir.Et si elle ne dort pas déjà à cette heure-là, Lisbeï peut même ne pas avoir trop de peine en pensant à Tula, quelquefois.Comme elle étudie avec la Mère et la Mémoire, elle a eu droit à un gros cahier pour faire des devoirs.Et toutes les nuits, sur des feuilles qu’elle en a arrachées, d’une écriture minuscule pour faire durer le plus longtemps possible le précieux papier, elle consigne les choses importantes qui lui sont arrivées dans la journée ; elle recopie les horaires des travailleuses ou elle fait un plan détaillé de chaque Tour, étage par étage.Béthély, c’est comme la petite boîte du puzzle avec lequel on apprenait les lettres et les chiffres, à la garderie, en y déplaçant des petits carrés de bois : malgré les détours compliqués, chaque carré a sa place et à la fin tout est en ordre, de gauche à droite et de haut en bas, A - B - C - D, 1 - 2 - 3 - 4, les étages, les heures, les jours.Simplement, Béthély est plus grande que la boîte du puzzle et c’est soi-même qu’on déplace d’une case à l’autre.Et la case vide, celle qui permet le mouvement, c’est la garderie, celle qu’on poursuit en la remplissant de carrés jusqu’à ce qu’elle s’immobilise après le Z, ou après le zéro, et par cette porte, parce que Lisbeï l’aura mérité, Tula, un jour, sortira.Et quand elle sortira, Lisbeï lui donnera son journal secret : elle lui donnera Béthély, et Tula saura tout elle aussi.Tula ne lui en voudra pas de ne pas avoir essayé de la rejoindre malgré tout à la garderie, Tula comprendra.Lisbeï a bien pensé à lui faire parvenir des messages, mais comment, par qui ? Impossible de mettre une autre dotta dans la confidence.Mooreï ou Antoné ? Ce serait trop risqué.Après tout (elle doit bien l’admettre), elles l’ont déjà dénoncée à Selva.Elle ne leur en veut plus trop, maintenant qu’elle comprend à quel point des rencontres clandestines avec Tula étaient irréalisables ; elles ont presque deux années de différence ; il leur aurait été impossible de se rejoindre en secret pendant deux années ! Elles ont eu de la chance à la garderie parce que leurs rencontres n’ont duré que cinq mois et que personne ne s’en doutait.Recommencer maintenant, à partir de la Tour… Tôt ou tard, Lisbeï se serait fait prendre et cela n’aurait profité à personne, n’est-ce pas ? Non, Tula comprendra sûrement.Et puis, c’est le pacte tacite entre Lisbeï et Selva, ou du moins ce que Lisbeï imagine être un accord entre elle et Selva : elle renonce momentanément à Tula, et en échange, elle aura Béthély avec Tula, plus tard.Elle essaie de ne pas trop imaginer ce que Tula peut penser, peut ressentir.Quand la peine et l’impuissance deviennent vraiment trop douloureuses, elle tente de se consoler en se disant qu’un jour elle osera demander à Antoné d’aller parler à Tula de sa part.La jeune Bleue semble plus susceptible de l’aider que Mooreï.Un jour elle lui demandera, quand elle leur aura tellement bien prouvé sa bonne volonté à toutes que la Mère ne pourra pas lui tenir rigueur d’avoir voulu consoler un peu Tula.Plus tard.Le temps n’est pas son ennemi.Le mouvement qui lui a amené Tula et l’en a séparée la lui ramènera sûrement.Le temps, en somme, se dit Lisbeï en dérivant peu à peu dans le sommeil en même temps que le grand corps maintenant silencieux de Béthély, le temps est comme un grand escalier sans surprise : il va vers demain et encore demain et elle sait exactement de quoi demain sera fait.Un jour, bientôt (elle coche les cases dans le tout petit calendrier qu’elle a fabriqué en secret), Tula aura sept années et elle viendra la rejoindre
[ Pobierz całość w formacie PDF ]
Linki
- Indeks
- Chronicles 1 Dragons of Autum Dragonlance
- Chronicles 2 Dragons of Winte Dragonlance
- Chronicles 5 Dragons of Summe Dragonlance
- Brennan Herbie The Faerie Wars Chronicles 03 Ruler of the Realm
- Christin Lovell [Vamp Chronic Hit the Road Jack (epub)
- Chronique d'une mort annoncee Gabriel Garcia Marquez
- Zelazny, Roger The Second Chronicles of Amber 05 Prince of Chaos
- Joe R Lansdale [Collins Pine 4] Bad Chili
- MARTIN~1 (2)
- JCPH
- zanotowane.pl
- doc.pisz.pl
- pdf.pisz.pl
- chiara76.htw.pl