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.Joe disposa comme la veille le bivouac du soir, et, pendant les quarts du docteur et de Kennedy, il ne se produisit aucun incident nouveau.Mais, vers trois heures du matin, Joe veillant, la température s’abaissa subitement, le ciel se couvrit de nuages, et l’obscurité augmenta.« Alerte ! s’écria Joe en réveillant ses deux compagnons ! alerte ! voici le vent.– Enfin ! dit le docteur en considérant le ciel, c’est une tempête ! Au Victoria ! au Victoria ! »Il était temps d’y arriver.Le Victoria se courbait sous l’effort de l’ouragan et entraînait la nacelle qui rayait le sable.Si, par hasard, une partie du lest eut été précipitée à terre, le ballon serait parti, et tout espoir de le retrouver eut été à jamais perdu.Mais le rapide Joe courut à toutes jambes et arrêta la nacelle, tandis que l’aérostat se couchait sur le sable au risque de se déchirer.Le docteur prit sa place habituelle, alluma son chalumeau, et jeta l’excès de poids.Les voyageurs regardèrent une dernière fois les arbres de l’oasis qui pliaient sous la tempête, et bientôt, ramassant le vent d’est à deux cents pieds du sol, ils disparurent dans la nuit.Chapitre 29Symptômes de végétation.– Idée fantaisiste d’un auteur français.– Pays magnifique.– Royaume d’Adamova.– Les explorations de Speke et Burton reliées à celles de Barth.– Les monts Atlantika.– Le fleuve Benoué.– La ville d’Yola.– Le Bagelé.– Le mont Mendif.Depuis le moment de leur départ, les voyageurs marchèrent avec une grande rapidité ; il leur tardait de quitter ce désert qui avait failli leur être si funeste.Vers neuf heures un quart du matin, quelques symptômes de végétation furent entrevus, herbes flottant sur cette mer de sable, et leur annonçant, comme à Christophe Colomb, la proximité de la terre ; des pousses vertes pointaient timidement entre des cailloux qui allaient eux-mêmes redevenir les rochers de cet Océan.Des collines encore peu élevées ondulaient à l’horizon ; leur profil, estompé par la brume, se dessinait vaguement ; la monotonie disparaissait.Le docteur saluait avec joie cette contrée nouvelle, et, comme un marin en vigie, il était sur le point de s’écrier :« Terre ! terre ! »Une heure plus tard, le continent s’étalait sous ses yeux, d’un aspect encore sauvage, mais moins plat, moins nu, quelques arbres se profilaient sur le ciel gris.« Nous sommes donc en pays civilisé ? dit le chasseur.– Civilisé, monsieur Dick ? c’est une manière de parler ; on ne voit pas encore d’habitants.– Ce ne sera pas long, répondit Fergusson, au train dont nous marchons.– Est-ce que nous sommes toujours dans le pays des Nègres, monsieur Samuel ?– Toujours, Joe, en attendant le pays des Arabes.– Des Arabes, monsieur, de vrais Arabes, avec leurs chameaux ?– Non, sans chameaux ; ces animaux sont rares, pour ne pas dire inconnus dans ces contrées ; il faut remonter quelques degrés au nord pour les rencontrer.– C’est fâcheux.– Et pourquoi, Joe ?– Parce que, si le vent devenait contraire, ils pourraient nous servir.– Comment ?– Monsieur, c’est une idée qui me vient : on pourrait les atteler à la nacelle et se faire remorquer par eux.Qu’en dites-vous ?– Mon pauvre Joe, cette idée, un autre l’a eue avant toi ; elle a été exploitée par un très spirituel auteur français[51] … dans un roman, il est vrai.Des voyageurs se font traîner en ballon par des chameaux ; arrive un lion qui dévore les chameaux, avale la remorque, et traîne à leur place ; ainsi de suite.Tu vois que tout ceci est de la haute fantaisie, et n’a rien de commun avec notre genre de locomotion.Joe, un peu humilié à la pensée que son idée avait déjà servi, chercha quel animal aurait pu dévorer le lion ; mais il ne trouva pas et se remit à examiner le pays.Un lac d’une moyenne étendue s’étendait sous ses regards, avec un amphithéâtre de collines qui n’avaient pas encore le droit de s’appeler des montagnes ; là, serpentaient des vallées nombreuses et fécondes, et leurs inextricables fouillis d’arbres les plus variés ; l’élaïs dominait cette masse, portant des feuilles de quinze pieds de longueur sur sa tige hérissée d’épines aiguës ; le bombax chargeait le vent à son passage du fin duvet de ses semences ; les parfums actifs du pendanus, ce « kenda » des Arabes, embaumaient les airs jusqu’à la zone que traversait le Victoria ; le papayer aux feuilles palmées, le sterculier qui produit la noix du Soudan, le baobab et les bananiers complétaient cette flore luxuriante des régions intertropicales.« Le pays est superbe, dit le docteur.– Voici les animaux, fit Joe ; les hommes ne sont pas loin.– Ah ! les magnifiques éléphants ! s’écria Kennedy.Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de chasser un peu ?– Et comment nous arrêter, mon cher Dick, avec un courant de cette violence ? Non, goûte un peu le supplice de Tantale ! Tu te dédommageras plus tard.»Il y avait de quoi, en effet, exciter l’imagination d’un chasseur ; le cœur de Dick bondissait dans sa poitrine, et ses doigts se crispaient sur la crosse de son Purdey.La faune de ce pays en valait la flore.Le bœuf sauvage se vautrait dans une herbe épaisse sous laquelle il disparaissait tout entier ; des éléphants gris, noirs ou jaunes, de la plus grande taille, passaient comme une trombe au milieu des forêts, brisant, rongeant, saccageant, marquant leur passage par une dévastation ; sur le versant boisé des collines suintaient des cascades et des cours d’eau entraînés vers le nord ; là, les hippopotames se baignaient à grand bruit, et des lamantins de douze pieds de long, au corps pisciforme, s’étalaient sur les rives, en dressant vers le ciel leurs rondes mamelles gonflées de lait.C’était toute une ménagerie rare dans une serre merveilleuse, où des oiseaux sans nombre et de mille couleurs chatoyaient à travers les plantes arborescentes.À cette prodigalité de la nature, le docteur reconnut le superbe royaume d’Adamova.« Nous empiétons, dit-il, sur les découvertes modernes ; j’ai repris la piste interrompue des voyageurs ; c’est une heureuse fatalité, mes amis ; nous allons pouvoir rattacher les travaux des capitaines Burton et Speke aux explorations du docteur Barth ; nous avons quitté des Anglais pour retrouver un Hambourgeois, et bientôt nous arriverons au point extrême atteint par ce savant audacieux.– Il me semble, dit Kennedy, qu’entre ces deux explorations, il y a une vaste étendue de pays, si j’en juge par le chemin que nous avons fait
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